L’héritage spirituel du pape François
En premier lieu, le pape était un latin, ce qui l’a
évidemment rapproché de nous sur un plan culturel.
En deuxième lieu, ce jésuite a choisi de placer son
pontificat sous le signe de François d’Assise. Or, la Corse est au cœur de
cette Méditerranée qui fut – et demeure largement – impactée par le
franciscanisme. De ce dernier, quel est le message ? L’attention aux
petits, aux pauvres, aux modestes, ce qui constituait du temps de Saint
François un retour à la lettre de l’Évangile. Et le pape François a
délibérément réactivé cet impact civilisationnel du saint du XIIIe siècle. Il
l’a fait contre les princes de l’Église, qui lui furent évidemment peu
favorables, mais avec le soutien des milieux populaires qui lui vouaient une
véritable vénération. Comme Saint François, notre pape prêchait par l’exemple,
refusant le luxe et la pompe qui étaient habituels à la fonction qu’il occupait
désormais. L’attitude à cet égard de ce singulier souverain lui a certainement
valu une part de l’immense sympathie dont il bénéficia dans l’île dès sa prise
de fonction. La Corse est en effet une terre très marquée par le
franciscanisme, ce dont témoigne nombre de couvents dont le rôle fut si important
dans notre histoire nationale.
En troisième lieu enfin, François entretenait avec la Vierge
Marie un lien spirituel tout particulier, ce qui le rapprochait encore d’un
peuple ayant pour hymne national le « Diu vi salvi Regina ».
Certains observateurs prétendument avisés ont immédiatement
voulu dresser un bilan « mitigé » du pontificat, présentant comme un
échec le fait que l’Église avait peu été réformée par François, comme si la
vocation d’un pape se limitait à faire évoluer l’institution… Faut-il rappeler
que François d’Assise n’a pas non plus bousculé l’Église, qu’il ne l’a pas « réformée ».
Mais son message spirituel a pourtant traversé les siècles dans sa fraicheur et
sa radicalité. Or c’est bien ce message franciscain qui a été renouvelé par le
pape François et qui a trouvé dans ses encycliques une actualité, une cohérence
et une vigueur inouïes depuis il poverello : l’attention à la
création (« Laudato si’ »), la fraternité, notamment avec les plus
modestes (« Fratelli tutti »)… Souvenons-nous aussi de son action en
faveur du dialogue interreligieux (déclaration d’Abu Dhabi signée avec le Grand
Imam d’Al-Azhar). En son temps, François d’Assise avait rencontré le sultan
d’Égypte, au moment même où se déroulait une croisade ! Nous citerons
encore – par affinité professionnelle avec cet ancien professeur de lettres – le
texte du pape François sur « le rôle de la littérature dans la
formation », dans lequel il estime indispensable, spécialement en l’état
actuel du monde, de lutter contre « l’incapacité émotionnelle »,
notion qu’il emprunte à T.S. Eliot.
C’est pourquoi, soyons-en convaincus, le message universel du
Saint-Père aura davantage d’influence sur l’avenir de l’humanité qu’une
quelconque réforme de l’Église.
Quant à la Corse, au moment où ses formes de religiosité et
de laïcité – cette singulière « laïcité corse » – sont souvent
regardées avec suspicion, notamment par Paris, elle a reçu du pape un aval explicite :
« Sur ce sujet, vous êtes en route depuis longtemps et vous êtes un exemple vertueux en Europe. Continuez sur
cette voie ! » (Discours du 15 décembre 2024 à Ajaccio).
Notre évêque – François également, et franciscain de
surcroît ! – dont le Saint-Père a tenu à faire un cardinal, contribuera n’en
doutons pas à diffuser la lettre et l’esprit du message papal sur une terre
précocement christianisée et ayant enfin reçu, en décembre dernier, la
reconnaissance qu’elle méritait.
Pour toutes ces raisons, la Corse conservera précieusement, ab
eternu, sa part de l’héritage spirituel du pape François.
À ringrazià vi, Santu Padre !