"Un piattu in più..."
Dans la polémique de ces derniers jours, on a pu lire beaucoup de choses sur les réseaux sociaux. Parmi un certain nombre de commentaires ouvertement racistes, un argument revient souvent, présenté comme relevant du simple bon sens: "Beaucoup de Corses sont en grande difficulté. Il faut s’occuper d’eux d’abord ». Sauf que, lorsque l’on examine la situation, on observe que ceux qui dénoncent l’aide aux réfugiés ne sont pas spécialement présents dans les démarches visant à aider les Corses. À l’inverse, ceux qui animent les associations de soutien aux personnes vulnérables, dépensant sans compter leur temps et leur argent, n’ont pas le cœur à trier parmi ceux à qui ils viennent en aide. Cela relève de la simple constatation. Il se trouve que je connais un peu la question, m’y étant particulièrement intéressé lorsque j’étais en fonction comme président de l’Assemblée. Je préside par ailleurs depuis des années un fonds de dotation dédié à l’insertion sociale, Corsica Sulidaria, dans lequel il n’y a que des bénévoles. Nous avons, dans une relative discrétion, œuvré pour aider aux déplacements de personnes en difficulté, soutenu financièrement les restos du cœur d’Ajaccio lorsqu’ils ont été inondés, offert des ordinateurs à l’Université pour lutter contre la précarité numérique des étudiants, versé des sommes appréciables aux hôpitaux corses et aux EHPAD durant la crise du Covid… Aujourd’hui, nous travaillons avec la Communauté de communes Costa Verde pour introduire en Corse la démarche TZCLD contre le chômage de longue durée, véritable fléau qui conduit des femmes et des hommes à l’exclusion. Nous venons d’ailleurs d’obtenir l’habilitation officielle qui va nous permettre de mettre en œuvre en Corse une démarche qui a déjà porté ses fruits ailleurs. Eh bien, je peux vous dire qu’aucun de nos mécènes ou donateurs, qu’aucun de nos bénévoles n’a proposé de trier les bénéficiaires selon leur origine. Personne n’y a même pensé. Par ailleurs, la Corse étant un petit pays, tout le monde ou presque se connaît. Vous n’allez pas me croire mais je n’ai rencontré aucun donateur, aucun bénévole parmi ceux qui écrivent sur les réseaux qu’il faut aider prioritairement les Corses! Étonnant non? Mon idée n’est aucunement ici de prolonger la polémique, de donner des leçons, ni de mettre quiconque à l’index. Parce que nous sommes membres d’un petit peuple, nous sommes appelés à vivre ensemble et à nous entendre. Quant à ceux qui arrivent, encore une fois, la Corse "ne peut accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre sa part". Une part modeste, proportionnée à nos possibilités. Mais ceux que nous déciderons d'accueillir devront être traités comme des invités et non comme des intrus. Alors, aidons ceux qui en ont besoin, sans distinction, dans la mesure de nos moyens et de nos disponibilités. Comme nous ne sommes pas des saints, il faudra cultiver ce qu’il y a de meilleur en nous, individuellement et collectivement. Et ce qu’il y a de meilleur dans notre culture: « Mette un piattu in più »… Je parlais de Corsica Sulidaria parce que c’est ce que je connais le mieux, mais il y a bien d’autres structures qui aident les Corses et les non-Corses dans l’île: Inseme, la Marie Do, la Croix Rouge, le Secours Populaire, le Secours Catholique… Les autres me pardonneront de ne pas les citer. ils sont si nombreux et actifs…
Aidons, et aidons ceux qui aident, sans distinction, par humanité. Et aussi pour être fidèles à ce que nous sommes depuis le fonds des temps. Cette fidélité s'impose davantage encore à ceux qui ont une "certaine idée de la Corse", ceux qui pensent que nous ne sommes pas une vague peuplade repliée sur un morceau de territoire mais un peuple riche de ses valeurs.