"Littérature et politique" de Jean-Guy Talamoni, par Robert Colonna d'Istria




Dans leur ensemble, les hommes politiques se distinguent par une inculture absolue. Pareille à un vice, la passion de la politique, du pouvoir, des intrigues, exerce sur eux un effet ravageur et décapant : la plupart des hommes politiques ne savent rien de ce qui relève des arts et de la littérature. Ils s’en moquent, vivent dans le présent, dans des considérations matérielles, concrètes, pragmatiques. Lettres et arts sont pour eux une terre inconnue, bizarre, voire suspecte, où ne s’aventurent que rêveurs, esprits torturés, imaginatifs, autant dire peuplée de fous. Cette inculture crasse est accentuée chez ceux des responsables politiques qui ont la charge de partis, c’est-à-dire de partisans qui, où qu’ils se situent, n’ont pas la réputation de briller, comme chantait Brassens, par le goût ou par l’esprit. On ne peut pas être à la fois partisan, honnête et intelligent, c’est une loi fatale.

Alors voir un homme politique se lancer dans un travail universitaire est un fait assez rare pour être signalé et salué. Dans ce type d’exercice, on ne peut évidemment pas se payer de slogans, de formules toutes faites, on est obligé de fouiller, creuser, observer des nuances, on doit donner raison à des personnes dont on aurait pu croire, a priori, qu’on leur donnerait tort, on doit se remettre en question, remettre en question ce que l’on est et ce que l’on sait, autant dire se mettre en danger, et se situer sur un terrain bien éloigné de celui de l’action et du militantisme politiques.

C’est ce qu’a fait Jean-Guy Talamoni, avocat, président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, qui a entrepris une thèse de doctorat sur le thème des relations entre Littérature et politique en Corse. C’est le texte de cette thèse, sous titrée « Imaginaire national, société et action publique », qui est aujourd’hui publié.

L’auteur y montre tout ce que l’on peut tirer de deux ou trois siècles de littérature, comment les secrets de l’âme corse se cachent et apparaissent où on ne les attend pas, comment esprit et conscience se sont formés par la littérature, subtil mélange de rêves et de description de la réalité, et comment cette littérature, à son tour, a formé l’imaginaire et le sentiment insulaires. Car ce sont bien les relations à double sens, entre littérature et politique, et sur la longue distance, que l’auteur met en relief, passant en revue tout ce qui s’est écrit et publié sur la Corse, et le mettant en perspective. Son travail a l’inconvénient d’une publication universitaire, il est exhaustif, équipé d’un appareil de notes très complet, etc, mais il en a les qualités, c’est-à-dire qu’il est un fabuleux outil pour ceux qui, à leur tour, voudraient non seulement se renseigner sur lui, mais approfondir le sujet des relations fertiles, et si riches, si parlantes, entre politique et littérature, en Corse.

Littérature et politique en Corse, par Jean-Guy Talamoni, Albiana, 472 pages, 20 €

(Proposé au mensuel "Corsica")

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