La légion d’honneur française à un indépendantiste corse ?
Toute sa vie, le célèbre compositeur et chef d’orchestre Henri Tomasi (1901-1971) a refusé la légion d’honneur pour protester contre l’absence de conservatoire dans l’île. Ce faisant, il s’honorait comme musicien et surtout comme Corse. Il n’était pas un révolutionnaire, il ne remettait pas non plus en cause sa nationalité française. Mais ses héritiers présentent aujourd’hui son refus comme la plus haute distinction qui se peut concevoir, puisqu’après avoir été distingué par ceux qui lui ont proposé la médaille, il s’est distingué lui-même en la refusant, et ce non pas par esprit de provocation mais par abnégation et respect de ses convictions.
La question est aujourd’hui de savoir si les convictions de Gérard doivent l’inciter à refuser ou à accepter.
N’ayant pu en discuter directement avec lui – il est actuellement indisponible -, je livre simplement ici mes propres réflexions.
À la différence d’Henri Tomasi, Gérard Romiti est indépendantiste. Mieux, il a longtemps été un élu de premier plan et, à ce titre, il a défendu des idées. Ces idées sont certes compatibles avec la notion de compromis politique, mais incompatibles avec toute forme de compromission. Par ses responsabilités et son charisme, Gérard a certainement influencé de nombreux Corses, les conduisant à refuser de telles compromissions…
Personnellement, je respecte les symboles, y compris ceux d’un pays qui n’est pas le mien. Aussi, je ne conseillerais pas à Gérard de refuser avec hauteur ou arrogance. Mais simplement de répondre qu’il lui est impossible d’accepter cette décoration tant que durera le conflit entre la Corse et Paris, tant que son peuple sera agressé comme il l’est, tout particulièrement aujourd’hui… Tant qu’il restera un seul prisonnier politique corse dans les prisons françaises.
Bien sûr, Gérard n’est pas obligé d’être d’accord avec moi.
Mais s’il acceptait la légion d’honneur, c’est avec lui-même qu’il ne serait pas d’accord.
Jean-Guy Talamoni