Incendie du bureau de Santini : quand le parquet se ridiculise
La Cour d’appel examinait hier l’affaire de l’incendie du bureau d’Ange Santini. On se souvient qu’après les déclarations plutôt martiales de la ministre de l’intérieur, l’enquête menée par un bataillon de policiers d’élite avait donné lieu à la condamnation d’un commando de mangeurs de lasagnes. Quant à la procédure conduite à l’encontre de quatre militants de Corsica Libera, elle se fondait sur un dossier d’une vacuité sidérante…
Après la relaxe logiquement prononcée par le Tribunal correctionnel d’Ajaccio, le parquet avait fait appel. Cette position a été soutenue hier devant la Cour de Bastia par un avocat général particulièrement sûr de lui, arrogant et parfois insultant, maniant une ironie qui se voulait mordante mais qui apparaissait plutôt fielleuse…
À l’entendre, la culpabilité était tellement évidente que la relaxe de première instance n’avait pu être obtenue que par la déloyauté et… les menaces !
Seulement voilà : la fastidieuse démonstration de l’avocat général prenant fin au grand soulagement de l’assistance, la défense faisait sobrement état d’un document qui lui avait été communiqué par erreur. Ce rapport, émanant du procureur d’Ajaccio, expliquait tout bonnement qu’un appel était à proscrire compte tenu de l’état du dossier et de la forte probabilité de voir la relaxe confirmée ! Par ailleurs, un curieux argument était avancé : un éventuel appel donnerait une tribune aux nationalistes « radicaux », au risque de les voir prendre l’avantage sur leurs concurrents « modérés »… Nous ignorions que le « parquet de la République » se considérait en charge des intérêts d’un courant du nationalisme, au point, non seulement de chercher ouvertement à privilégier ledit courant, mais encore d’assumer une telle attitude par écrit, dans un document qui, il est vrai, n’aurait jamais dû se trouver entre les mains de Corsica Libera !
Inutile de préciser qu’après la présentation de ce singulier « rapport » par la défense, l’avocat général avait perdu pas mal de sa superbe. Le parquet, qui n’avait cessé de stigmatiser bruyamment le « manque d’intelligence » et les « mensonges » des prévenus, se trouvait face à la preuve, éclatante et indiscutable, de sa propre intelligence et de son honnêteté intellectuelle…
Jean-Guy Talamoni