L’affaire Colonna et la presse
« Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis. »
Emile Zola, « J’accuse », L’Aurore du 13 janvier 1898.
Aujourd’hui, la communication est devenue un élément essentiel de la défense, en particulier en matière politique, lorsqu’un accusé innocent est sur le point d’être broyé par un procès kafkaïen. L’affaire Colonna, révoltante à tous égards - et plus encore depuis quelques heures - a déjà donné lieu à quelques articles courageux, y compris dans la presse parisienne. D’autres journalistes, plus réservés ou plus prudents, retiennent encore leur plume, se bornant à rendre compte de façon « neutre » des propos des uns et des autres : président de la Cour, avocats de la défense, des parties civiles… Mais la neutralité, dans un tel cas, participe passivement de l’injustice. Sans compter certaines locutions malheureuses revenant mécaniquement dans les commentaires, telles l’absurde expression « assassin présumé » : dans le droit de n’importe quel pays civilisé, la « présomption » ne peut être que présomption d’innocence. Dans le cas contraire, par un incroyable renversement de la charge de la preuve, ce serait à l’accusé d’établir son innocence !
Pourtant, c’est l’honneur du journaliste que de se refuser à hurler avec les loups, de dénoncer l’inadmissible, d’exprimer ses convictions, de s’engager et de dire : la situation faite à cet homme n’est pas acceptable.
Ce faisant, il peut changer les choses…
C’est la raison pour laquelle il nous faut aujourd’hui en appeler à l’ensemble des commentateurs, corses ou autres : dîtes ce que vous avez sur le cœur, témoignez de ce que vous avez vu et entendu.
Ne vous rendez pas complices d’une infamie.
Dénoncez-là avec force.
Aidez-nous !
Comme l’a fait votre prestigieux confrère en 1898, accusez les accusateurs.
Jean-Guy Talamoni