Relire « La Désobéissance civile » de Thoreau
En ces temps où la résistance à l’injustice est d’une actualité brûlante, de la Guadeloupe à Aiacciu, en passant par la salle de la Cour d’assises de Paris, il n’est pas inutile de relire ce petit texte publié la première fois en 1849. Rappelons qu’Henri David Thoreau, poète américain et penseur anticonformiste, fut un précurseur en matière d’écologie et le théoricien de la désobéissance civile. Souvent présenté comme un partisan des seuls moyens « non-violents », il accepta cependant, dans certains cas, le recours à la lutte armée, notamment à travers son Plaidoyer pour le capitaine John Brown (1859).
JGT
La Désobéissance civile (Civil Disobedience), trad. de Guillaume Villeneuve, Ed. Mille et une nuits, Arthème Fayard, 1996-2000.
Morceaux choisis
Sur les législateurs : « …si l’on devait juger d’eux entièrement par les effets de leurs actes et non en partie par leurs intentions, [ils] mériteraient d’être classés et punis avec les êtres malfaisants qui font dérailler les trains. » (page 11).
Sur la loi et la justice : « Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur ? Pourquoi, alors, chacun aurait-il une conscience ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste. » (p. 12).
Sur la vertu : « Il y a neuf cent quatre-vingt-dix-neuf professeurs de vertu pour un homme vertueux. » (p. 18).
Sur la notion de majorité, à propos de l’esclavage : « Je n’hésite pas à dire que ceux qui se baptisent abolitionnistes devraient retirer sur-le-champ leur soutien effectif, tant personnel que matériel, au gouvernement du Massachusetts sans attendre qu’ils forment une majorité d’une personne. […] D’ailleurs, tout homme plus juste que ses prochains forme déjà cette majorité d’une personne. » (p. 25).
Ou encore : « Quelle force a une multitude ? Seuls peuvent me contraindre ceux qui obéissent à une loi plus altière que la mienne. Ils me contraignent à les imiter. » (p. 34).
Sur l’emprisonnement, sans doute la phrase la plus connue de ce petit ouvrage : « Sous un gouvernement qui emprisonne un seul être injustement, la juste place du juste est aussi la prison. » (p. 27).
Toujours sur la prison, que Thoreau a connue : « Et comme je regardais les murs de pierre massive, épais de deux ou trois pieds, la porte de bois et de fer épaisse d’un pied, la grille de fer qui altérait la lumière, je ne pouvais m’empêcher d’être frappé par la stupidité de cette institution qui me traitait comme si je n’étais que chair et os, à enfermer. […] Je ne pus m’empêcher de sourire en voyant avec quel soin ils refermaient la porte sur mes méditations, qui les suivaient aussitôt à l’extérieur, sans encombre : c’étaient elles qui étaient dangereuses, en réalité. Comme ils ne pouvaient m’atteindre, ils avaient décidé de châtier mon corps ; tout comme les gamins, s’ils ne peuvent s’en prendre à la personne à laquelle ils en veulent, injurient son chien. » (p. 33).
Sur la richesse : « Le mieux qu’un homme puisse faire pour sa culture lorsqu’il est riche, c’est de s’efforcer d’accomplir les projets qu’il avait, pauvre. » (p. 30).
Enfin, sur le droit à la résistance : « Tous les hommes admettent le droit à la révolution ; c'est-à-dire le droit de refuser l’allégeance au gouvernement, et celui de lui résister, quand sa tyrannie ou son inefficacité sont grandes et insupportables. Mais presque tous disent que ce n’est pas le cas à présent. Mais tel était le cas, estiment-ils, lors de la révolution de 1775. Si l’on devait me dire que le gouvernement de l’époque était mauvais parce qu’il taxait certaines commodités étrangères introduites dans ses ports… » (p. 15).
Comme on le voit, on trouve de nombreux sujets de méditation, bien actuels, en ces quelques dizaines de pages écrites il y a si longtemps…