Yvan Colonna et les tours de Notre-Dame
(Publié dans U Ribombu, décembre 2007)
« Si l’on m’accusait d’avoir emporté les tours de Notre-Dame, je commencerais par m’enfuir. » Ces mots sont d’Achille de Harlay (1536-1619), illustre magistrat français qui présida le parlement de Paris. Aujourd’hui, dans le Palais de justice de la capitale française, à quelques dizaines de mètres de ces mêmes tours de Notre-Dame, on demande la condamnation d’un homme au motif qu’il a jugé bon de « prendre du recul » face à une accusation d’une terrible gravité : l’assassinat d’un préfet. Ainsi, avoir suivi le conseil du Président de Harlay deviendrait le principal élément à charge contre Yvan Colonna. Avoir pris le maquis aurait été une façon de reconnaître sa culpabilité. Le caractère inepte de l’argument laisse sans voix et en dit long sur la vacuité du dossier. Pourtant, dès 2003, un ministre de l’intérieur, futur président de la république et avocat de surcroît, a cru pouvoir faire sienne cette accusation au point de violer le principe absolu de la présomption d’innocence. Et qu’importe si tous les éléments matériels du dossier démontrent qu’Yvan Colonna ne peut être celui qui a tué le préfet Erignac ! On sait que dans ce genre d’affaires, éminemment politiques, l’innocence ou la culpabilité ne constituent pas toujours le problème essentiel. Au moment de l’affaire Dreyfus, combien de responsables français, convaincus de l’innocence de l’accusé, préféraient toutefois sa condamnation à un acquittement, déshonorant pour l’armée française ? Aujourd’hui, combien de magistrats seraient prêts à envoyer, injustement et en toute connaissance de cause, un berger corse en prison pour plusieurs décennies, simplement pour ne pas déplaire au pouvoir politique ? Le chiffre, si nous le connaissions, ferait probablement froid dans le dos. Il reste à espérer que les juges d’Yvan Colonna ne font pas partie de cette catégorie.
Jean-Guy Talamoni